La monnaie au Cambodge - Nomadays

Cambodge

La monnaie au Cambodge

27 sept. 2018

Le Riel n’a pas toujours été la monnaie officielle du Cambodge, la devise cambodgienne a changé de manière significative au cours des siècles, tant dans la forme que dans le nom ! Bien que le Cambodge n'ait émis sa propre monnaie qu'après l'indépendance en 1953, les pièces ont circulé pendant plus de 2 000 ans, avant même la montée de l'Empire Angkor au 9ème siècle.

Les débuts de la monnaie

A partir du Ier siècle de notre ère, l’Empire Funan, le premier royaume à émerger dans la région, a couvert une grande partie de l'Asie du Sud-Est tel que le Cambodge, le Vietnam du sud, une partie du Laos, la Thaïlande et le Myanmar, avant d’être absorbé par le Chenla au VIème siècle.

Les anciens Khmers sous l’empire Funan ont développé la monnaie, la religion et le commerce avec l’Inde. D’ailleurs, la création de la monnaie semble s'être développée à partir de l'Inde, elle-même influencée par les empires grec et romain, qui occupaient le territoire indien à l'époque antique.

Des archéologues ont trouvé de nombreuses pièces en métal, en argent et en or datant du IVème siècle près de la station archéologique d'Angkor Borey, dans la province de Takeo.

On y trouve des devises sous toutes les formes. Les pièces de monnaie vont des pièces rondes, à des pièces demi-rondes, d'un quart, jusqu'à une pièce d'un sixième. La pièce ronde pouvait permettre d’acheter une vache, tandis que la pièce demi-ronde pouvait permettre d’acheter un cochon ou quelque chose de plus petit. Aujourd’hui encore, à Angkor Borey, les gens tamisent le long de la rive en quête de pièces d’or !

Les billets monétaires de l'ère Funan comportent des décorations représentant des escargots, des soleils, des lunes et des portraits de Lakshmi, l'épouse du Seigneur Vishnu.

 

Pièces en métal retrouvées par des archéologues au IVè siècle près d'Angkor Borey dans la province de Takeo.
Des pièces en métal retrouvées au début du premier millénaire au Cambodge

La monnaie à la source du développement

De nombreuses preuves ont été trouvées, comme des notes de cuivre, des miroirs, des statues bouddhistes et des céramiques, montrant l’empire Funan comme un empire riche et puissant, bénéficiant de nombreuses ressources naturelles, où le commerce prospérait. De plus, l’empire représentait le progrès dans les croyances hindoues, bouddhistes et la prospérité pour la nation.

Ils ont alors pu élaborer leur propre monnaie. La monnaie a joué un rôle central afin de faciliter les activités commerciales, la vie quotidienne, et les échanges nationaux et internationaux.

La création des billets de banque a fortement contribué au développement du commerce maritime mondial. Ainsi, l’empire Funan est passé d’une économie familiale à l'économie communautaire puis à l'économie sociale, pour finalement se développer dans l'économie mondiale grâce au commerce maritime avec d'autres empires comme ceux de l'Inde et de la Chine. À l'époque, le port O'Keo de l'empire Funan était le point de convergence des échanges commerciaux entre l’Inde et la Chine.

Le roi Kan, produisit de nombreux types d'argent pour son peuple, tels que la monnaie Sleung et la monnaie Snok au XVIème siècle.

Récemment, les Cambodgiens ont découvert une pièce d'or datant de l'ère Chenla entre le IVème et le VIIème siècle. De nombreuses monnaies à l’effigie des anciennes cités du Cambodge n’auraient pas été encore découvertes. La tradition de l'échange et du commerce a joué un rôle majeur dans le développement de l’économie.

Le temple d'Angkor Wat à l'époque de l'empire khmer.
Le temple d'Angkor Wat à l'époque de l'empire khmer

La monnaie coloniale

La monnaie était utilisée continuellement par le peuple khmer jusqu'au roi Ang Duong, qui dirigea le royaume entre 1848 et 1860, avant l'arrivée des colons français en 1863. Le gouvernement colonial français a été le premier à introduire du papier-monnaie au Cambodge.

Après l'intégration du Cambodge dans l'Indochine française (Cambodge, Laos et Vietnam), la Banque de l'Indochine est créée en 1875. Une succursale a été créée à Phnom Penh et devient la banque émettrice de billets pour toute l'Indochine du 22 février 1891 au 31 décembre 1951. La monnaie de l'Indochine est alors introduite, c’est la piastre, divisible en 100 cents.

Le 31 décembre 1951, le privilège exclusif de l'émission de billets a été transféré à l’Institut d’Émission des États du Cambodge, du Laos et du Viêt-Nam, qui avait également son siège à Phnom Penh. Bien que des notes distinctes aient été émises pour le Cambodge, le Laos et le Vietnam, les billets étaient uniformes dans les trois États.

La piastre indochinoise divisée en cents est introduit par les premiers colons français en 1848.
La piastre indochinoise divisée en cents est introduit par les premiers colons français en 1848

Le retour à la monnaie nationale

Ce n'est que lorsque le roi Norodom Sihanouk obtint la pleine indépendance de la France le 9 novembre 1953 que le Cambodge a pu retrouver sa propre monnaie. La Banque nationale du Cambodge, créée en décembre 1954, lance avec succès le nouveau riel (KHR) le 1er janvier 1955. Le Cambodge a alors pu déterminer par lui-même la valeur de sa monnaie, les montants à émettre, les avances monétaires au gouvernement ainsi que mettre en place sa politique commerciale et ses droits de douane. Le Riel est divisible en 100 Sen, à égalité avec la piastre existante qui fût complètement remplacée en septembre 1955.

Le riel a continué d'être utilisé jusqu'en 1975, lorsque les Khmers rouges ont renversé le gouvernement, aboli l'argent, détruit la Banque nationale du Cambodge et introduit une économie de troc. Sous le régime des Khmers rouges, de nouveaux billets ont été imprimés montrant les Khmers rouges défendant le pays contre les capitalistes, mais ils n’ont jamais été émis.

Après l'invasion vietnamienne en 1979, le riel a été rétabli en tant que monnaie cambodgienne le 1er avril 1980. Face à la fragilité de l’économie d’après-guerre, le gouvernement central a distribué les nouveaux billets à la population afin d'encourager son utilisation.

Dans les zones rurales, le riel est alors utilisé pour pratiquement tous les achats, grands et petits. À Battambang et dans d'autres régions proches de la frontière thaïlandaise, comme Pailin, le baht thaïlandais est également accepté.

Les billets de riels aujourd'hui. Le visage du Roi Norodom Sihanouk est affiché sur ceux de 5 000 riels. Ils ont été mis en circulation le 1er avril 1980.
Le visage de l'actuel Roi Norodom Sihamoni est affiché sur les rares billets de 100 000 riels

L’arrivée du dollar

Afin de maintenir la paix et de faciliter le désarmement du pays, l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) prend en charge l’administration du Cambodge en 1992. Pour stimuler l’économie locale, l’APRONUC décide d'injecter une grande quantité de dollars américains. Elle aurait dépensé 1,7 milliard de dollars, soit environ 75% du PIB du Cambodge à l'époque.

La monnaie au Cambodge devient un système à « double monnaie ». Le riel est toujours en concurrence au niveau local avec le dollar américain qui est souvent considéré comme la seconde monnaie non officielle du Cambodge. Les dollars américains représentent 80% de la monnaie réelle en circulation ! A ce jour, le taux est de 1 $ = 4053 KHR = 0.86 €. On compterait plus de 90 pays dans le monde qui emploient cette politique de dollarisation afin de promouvoir le développement du marché.

Le dollar est arrivé au Cambodge en 1992 sous l'impulsion indirecte de l'ONU. Il est accepté partout dans le pays.
Un retrait du dollar aujourd'hui au Cambodge déréglerait grandement l'économie, et provoquerait une forte inflation.

Les riels de nos jours

Au lieu de dé-dollariser soudainement l'économie au risque d’impacter la stabilité macroéconomique et la croissance, comme les sorties de capitaux, la Banque Nationale du Cambodge encourage l'utilisation progressive du riel et des mécanismes du marché.

Afin de promouvoir les billets de riel, ils sont décorés avec des images qui évoquent les héros cambodgiens, le peuple et le développement économique pour favoriser la solidarité. Cet effort est encouragé par la stabilité de la valeur du riel et par l’usage quotidien des riels dans la plupart des zones rurales.

Les billets de riel représentent également des événements historiques et culturels ainsi que les progrès de l'économie. Le visage souriant d'une agricultrice récoltant du riz apparaît au dos du billet de 2000 riel, reconnaissant l'importance vitale du secteur agricole. De l’autre face, une illustration triomphale du temple de Preah Vihear, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2008, met en lumière la richesse de la culture cambodgienne.